Over ROSE

Publié le par Mouna Makeda

Photo By Ger

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Si j'avais écrit ce billet avant la naissance de ma fille, voici ce que je vous aurais probablement dit :

 « Quelle autre alternative avons-nous que le rose? Ma petite n'a pas encore vu le jour que j'en ai déjà soupé du "rose qu'on nous propose"; la chanson le dit si bien, merci Alain Souchon.

Car au royaume de la layette, les fuschia, magenta, pastel et bonbon sont à la fête. Et dans la plupart des rayons, l'offre côté grenouillères se limite à un dégradé allant du rose Dora au rose Barbie. Cet étalage de couleurs niaises ou criardes me donne la nausée.

Parce que les plus précieux, tels le vieux rose ou découvert plus récemment, le rose tagada (qui entre nous n'avait rien de la fraise du même nom), ne sont pas à la portée de tous les budgets.

Car enfin vous me direz que j'exagère (à peine), qu'on trouve de l’orange, du violet, du blanc (fort heureusement) pour habiller ces demoiselles. Mais outre une certaine aversion pour la guimauve, je crois que ce qui me gêne le plus, c'est la focalisation que nous prescrit la mode selon les saisons. Je m'explique :

Le thème de cette année c'est rose corail et jaune citron (à titre d'exemple), et si par malheur je cherche une petite tunique vert pomme, je n'en trouverais point…. Ou tout du moins pas dans le type de magasin que je fréquente, c’est-à-dire les enseignes de prêt à porter bon marché, type Kiabi ou H&M. Cette année la populace, c'est rose corail et jaune citron ! Si vous apercevez une demoiselle en vert pomme, c'est qu'elle évolue dans d'autres sphères…. Et s'il suffisait de jeter un œil à votre garde-robe du moment pour deviner à quelle classe vous appartenez ? Oui c'est bien connu la masse populaire adore standardiser ses petites filles, fabriquer de futures petites barbies auxquelles on pourra dire qu'elles sont superficielles, puisque le rose à leurs joues n'est pas une couleur sans âge."

 

 

2 ans ont passé… Et je dois vous avouer que j'ai été contaminée moi aussi !

La machine a réussi son lavage de cerveau et je gagatise de voir ma fille si mignonne en rose… Il lui va si bien ! Je suis même allé jusqu'à, récemment, m'acheter un pantalon rose… framboise ! (Comme si vous préciser la nuance pouvait atténuer ma défection !)

Mais peut-être le problème est-il plus profond que je n'ai bien voulu l'admettre. Est-ce l'identification du rose à une certaine forme de féminité qui me dérange ? Une image de la femme délicate et infantilisée qui tombe en pamoison lorsque son chevalier servant lui offre des fleurs, issue des histoires à l'eau de rose, évidemment. (Mignonne allons voir…)

Ou bien est-ce qu'en réalité j'ai du mal à accepter qu'une part de ma personnalité puisse être définie par des qualités identifiées comme non masculines dans une société essentiellement dirigée par des hommes de plus de 50 ans (le mot misocrate n'existe pas, y'a-t-il un mot pour ça?!) ? A l'instar des rondeurs et de la mollesse des corps féminins qu'on fustige au profit des corps musclés et anguleux, de la douceur piétinée par la force, de la femme au foyer à laquelle on demande si elle ne s'ennuie pas trop…

 

Au début quand les questions du type "ça te change d'avoir une fille après deux garçons ?" fusaient, je ne savais pas trop quoi répondre… In facto je ne voyais pas trop la différence, hormis pendant sa toilette, ça va de soi. Mais plus elle grandit plus je m'émerveille de l'élégance innée de ce petit bout de femme. Ces caractères féminins qui m'apparaissaient mièvres prennent alors un nouveau sens, gagnent en profondeur. Nul besoin d'arborer des codes exclusivement masculins pour être fière de ce que l'on est. Et même si lorsqu'on me dit que ma fille est jolie, puis qu'elle me ressemble, j'ai encore du mal à comprendre comment cet éclat que je perçois chez elle puisse m'être attribué, je conviens à présent qu'il soit possible de porter du rose sans être une pétasse. Je concède que celles qu'on nomme pétasses, justement, ont peut-être eu des mères qui les considéraient avec fierté quand elles avaient 1 an, et les fustigent à 20 ans pour le même accoutrement… Et surtout, je comprends combien la valeur qu'on attribue aux couleurs, aux formes, aux manières, colporte une image réductrice de la femme.

Et j'ai envie de dire à ma fille, que la pudeur est d'abord en elle, qu'avant d'être une posture, elle doit provenir des tréfonds de l'âme. Qu'elle porte du rose si elle le souhaite, tant qu'elle se respecte. Qu'elle se couvre d'un voile si elle le désire, tant que sa démarche est sincère. …Qu'elle tente d'être toujours honnête avec elle-même, et que quels que soient ses choix, elle parvienne à donner à sa vie sa propre couleur.

M.M.

 

 

 

 

Un peu d'histoire :

Article extrait de Franceinfo.fr, signé Philippe Vandel

"Pourquoi associe-t-on le rose aux filles et le bleu aux garçons?

Cela remonte à l'Antiquité grecque, où les parents préféraient avoir un garçon plutôt qu'une fille. Car les garçons travaillaient et participaient aux revenus de la famille. A l'inverse, avoir une fille était pénalisant : outre de ne pas disposer de la même force physique, requise notamment pour le travail des champs, les filles coûtaient cher. Il fallait économiser pour lui fournir une dot lors de son mariage. En conséquence, avoir un garçon était considéré comme béni des Dieux. Aussi lui associait-on la couleur bleue, couleur du ciel, résidence des Dieux.

En Europe, c'est au Moyen-âge qu'apparaissent les premiers trousseaux spécifiques pour les bébés. Oh surprise ! Le bleu, couleur divine de la Vierge Marie est associé aux filles tandis que le rose, qui n'est qu'un rouge pâle, est dévolu aux garçons. Si la rose, la fleur signifiant l'amour, est une valeur attribuée aux femmes, le rose, lui, est perçu comme viril. Il n'y a qu'à voir la couleur rose des bas de chausse des chevaliers médiévaux.

Puis, remous de l'histoire, le blanc, image de la pureté et de l'innocence, prédomine pour les deux sexes. De même que la robe que les enfants portent indistinctement jusqu'à l'âge de six ans.

Au XVIIIe siècle, la tradition antique fait son retour en occident. A l'apogée des Lumières, la Grèce et son modèle de démocratie constituent pour les penseurs de l'époque une référence absolue. C'est alors que madame de Pompadour entre en piste.

Philippe Rouet, un peintre belge, a mis au point une innovation technique et artistique, il a inventé un nouveau rose sur la porcelaine de la manufacture royale de Sèvres. La favorite de Louis XV s'entiche de ce rose, d'une finesse exquise, et la Cour avec elle.

La marquise de Pompadour l'impose partout à Versailles, notamment sur les tenues des petites filles, mais aussi les couvre-lits et même les pots de chambre ! Désormais, le rose est associé aux valeurs féminines : beauté, douceur, fragilité.

Les clichés ont la vie dure, jusqu'à preuve du contraire."

Publié dans Billets Doux

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